Contrairement aux idées largement répandues dans le monde de l’ésotérisme, le tarot ne remonte pas à la nuit des temps, et n’a pas été inventé à des fins initiatiques ni divinatoires, il n’est pas l’ancêtre du jeu de cartes, et il n’est pas non plus égyptien, ni hébraïque. L’histoire du tarot véritable monstre du Loch Ness, fait encore de nos jours la part belle aux affirmations gratuites et aux spéculations hasardeuses.
L'histoire des jeux de cartes en général, et celle du Tarot en particulier, font partie de l'histoire de la civilisation humaine.
Quand où, et par quel peuple, ont été inventés les jeux de cartes ? Quand est-on passé du divertissement à l'art divinatoire avec les jeux de cartes ?
Quelle est l'origine des images figurant sur ces cartes ?
Tout jeu a pour but d'exercer ses facultés physiques et cérébrales, pour montrer la supériorité de sa propre force ou habileté sur celle des autres.
Une remarque importante s'impose à ce stade de notre réflexion : tous les jeux ( cartes ou dés ) où le hasard y tient une part, revêtent un espect divinatoire. Le jeu se borne à déterminer lequel des joueurs sera le plus favorisé du sort ou de la Providence. Tout jeu implique en quelque sorte l'utilisation d'un oracle qui manifestera la volonté divine ou l'implacable fatalité. Cela est particulièrement vrai quand les cartes sont employées pour dire l'avenir, mais ça l'est aussi quand il s'agit simplement d'un « jeu ».
« Le sort me favorise » ou « le sort s'acharne sur moi », affirme le joueur selon qu'il gagne ou perd, que ce soit aux dés ou aux cartes. La pratique d'un jeu en solitaire ( Patience ) interroge le sort consciemment ou inconsciemment.
La réflexion sur l'utilisation des cartes à jouer nous entraine ainsi sur le terrain des Sciences divinatoires de l'Esotérisme et même de l'Occultisme.
Les recherches concernant l'histoire des cartes doivent donc s'effectuer dans 2 directions :
1) rechercher l'origine, puis suivre son évolution dans les sociétés occidentales,
2) rechercher l'histoire et l'évolution des interprétations ésotériques associées à ces cartes.
Dans le cadre de ces recherches, au XIX ème siècle ( âge d'or des nouvelles religions, de l'ésotérisme, de l'occultisme, et des dérives ésotériques délirantes etc ) une lègende avait le vent en poupe pour expliquer l'origine du Tarot. Tous les écrivains spécialistes en ésotérisme, en occultisme reprenaient à l'envie la même histoire un peu tirée par les cheveux, que je vous résume en quelques lignes :
Dans une époque très reculée, les sages hiérophantes, dépositaires de la tradition secrète de l'Egypte, s'étaient réunis pour aborder un grave problème. Par leurs expériences passées et à l'aide de leurs
capacités prophétiques, ils avaient acquis la certitude que la civilisation égyptienne serait détruite, ainsi que les temples des dieux, les Sanctuaires du Culte et les Ecoles initiatiques. Il s'agissait donc de rechercher un moyen de préserver de la destruction complète la doctrine occulte. Plusieurs solutions furent proposés par les membres du conseil des hiérophantes. « Peignons les textes des
axiomes sur les murs les plus solides du temple le plus vénérable », disait l'un, mais on lui objectait que la rage des envahisseurs et la force destructrice du temps n'épargnerait pas l'édifice. « Gravons-les sur des plaques du métal le plus résistant », proposait un autre, mais lui répondait-on : « Si c'est un métal non précieux, il ne résistera pas à la rouille, et, s'il est précieux,
il sera inévitablement sujet à la convoitise ». Un troisième hasarda : « Confions nos arcanes à un homme simple mais vertueux, qui en conservera le secret et le transmettra avant sa mort à une autre âme également simple et vertueuse, et ainsi de suite jusqu'au moment où la vérité pourra être de nouveau professée et comprise », mais on lui opposait que la vraie simplicité de
l'âme est chose rare et que la vertu est très sujette à la tentation. Alors, le plus jeune des adeptes parla ainsi : « Servons-nous des vices, des péchés, des mauvaises passions de l'homme pour préserver le dépôt de nos doctrines secrètes : exprimons celles-ci symboliquement par des figures apparemment innocentes, qui, multipliées à l'infini, pourront servir à assouvir une des passions
les plus vives de l'homme : sa passion pour le jeu. Confions aux énergies du Mal la préservation de la Vérité qui contient la condition du Salut et de la paix du Monde ». Cette
proposition fut acceptée. Les Adeptes fixèrent donc en images symboliques les axiomes fondamentaux de leur Doctrine secrète :
ils en firent un jeu qu'ils mirent en circulation et qui, diffusé à l'infini, préserva réellement sous forme allégorique les Vérités cachées. Telle était l'origine du jeu de Tarot.
Voilà pour la légende la plus communément répandue au sujet de l'origine du Tarot !
Quant à l’origine historique des tarots la thèse adoptée par la Doxa est celle-ci :
en Italie, à Florence serait apparut en 1375 un jeu de cartes, portant le nom de NAÏBBI.
Les Naibi auraient fourni les arcanes majeurs, au nombre de 21, sans compter le Mat.
Il se diffusera rapidement dans tout l’occident. Alors, les Naïbbi sont-ils l’ancêtre du tarot, ou bien plus prosaïquement des figures se sont-elles greffées sur ces cartes ultérieurement au fil du temps ?
Difficile de trancher même encore aujourd'hui.
L'hypothèse que le Tarot soit d'origine orientale est la plus répandue parmi les chercheurs contemporains. Il y aurait même un superbe jeu de cartes enluminé du XV ème siècle provenant de L'Egypte des Mamelouks conservé à Istanbul. Ce jeu serait composé de coupes, d'épées, de bâtons et de deniers, et aurait été confectionné en Perse.
A ce stade du récit admis par tous, une réflexion de bon sens s'impose quand même, car cette hypothèse orientale du Tarot est étonnante, en effet l'Islam interdit les jeux d'argent et de hasard ( et ce hier comme aujourd'hui )!
Le plus ancien des tarots semble être le Cary-Yale ( 67 cartes conservées ), il est daté de 1420. Les 67 cartes existantes, qui auraient été peintes par Bonifacio Bembo, sont conservées dans la Cary Collection of Playing Cards, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, à l’Université de Yale.
Le premier tarot presque complet qui nous soit parvenu ( 74 cartes sur 78, il manque comme sur tous les Visconti Le Diable et La maison Dieu, ainsi que le 3 d’épée et le roi de denier ) est le tarot princier des Visconti-Sforza. Il est daté du milieu du XV ème. Il s’agit du “Pierpont Morgan Bergame”, probablement peint par Andréa Bembo. De ces tarots princiers, il nous reste 239 cartes issues de 11 paquets différents. Ils sont de grande taille, en carton épais et enluminés, ils n’ont donc pas pu servir au jeu.
En France les cartes mettaient en exergue le courage, l'honneur, le dévouement, la beauté et la piété. En Allemagne les cartes étaient ornées de feuilles, glands, grelots et de coeurs. En Italie et en Espagne les cartes à couleurs représentaient des épées, bâton, coupes. En France, les enseignes sont représentées par les : pique, trèfles, carreaux, coeurs.
Les couleurs les plus usitées du Moyen-Age étaient le blanc, le rouge, le noir, auxquelles se sont ajoutées à la fin du moyen-âge central le bleu, le jaune et le vert.
Sous l'ancien régime, la fabrication des jeux de Tarots par des cartiers était presque devenue industrielle, mais ce métier très règlementé et lourdement taxé jouissait de peu de considération. Le cartier se situait en bas de l'échelle des métiers, parmi les médiocres, comme le charcutier, le cordonnier, le tailleur d'habit, le joueur d'instruments, le peintre, le sculpteur etc. Ces métiers d'artistes méprisés hier jouissent aujourd'hui de plus de considération.
L'âge d'or du Tarot : XVIII ème & XIX ème siècles
Le XVIII ème siècle semble avoir été la période de vulgarisation du Tarot, ce siècle des 'lumières' mit en valeur ce jeu de cartes dans les auberges, les cercles privés, et à la cour des Rois. Le siècle suivant verra de nouvelles modes apparaitre apès la révolution, ou après la terreur les Français laisseront libre court à leur imagination que ce soit en matière vestimentaire, culinaire, littéraire, artistique, et religieuse. C'est dans ce contexte débridé que l'ésotérisme et l'occultisme donneront lieu à des dérives délirantes quelques fois dangereuses pour la population.
Au début du XVIII ème siècle les tarots étaient fabriqués majoritairement à Avignon, Marseille et Lyon. Le tarot de Payen est l'un des plus anciens tarots, le tarot de Dodal fabriqué à Lyon en 1710, est le deuxième plus ancien tarot de Marseille.
Le tarot de Madenié fabriqué à Lyon est également très ancien.
Le Tarot et la divination
En 1450 Fernando de la Torre parlait des cartes nommées "naîpes" pour exprimer la bonne aventure, il semble que nous ayons ici à faire aux prémices de la cartomancie.
Comme nous l'avons vu plus haut la Divination aura sa période dorée pendant le XIX ème siècle. Le tarot ne servira pas que la cartomancie, et, les occultistes vont s'en emparer pour le transformer en Bible des pratiques divinatoires.
Résurgence du Tarot à partir de 1980
Des auteurs tels qu'Alejandro Jodorowsky qui créa en 1997 un jeu par ordinateur à partir de tarots anciens, puis Georges Colleuil avec son 'référentiel de naissance' en 1984, contribueront à faire renaitre ce jeu. Le tarot devient alors un outil de développement personnel. Il existe des centaines d'ouvrages traitant du Tarot associé à la Divination.
Chaque personne qui pratique le tarot vit des expériences sans acquérir une initiation élaboréee, car nul maître n'a enseigné l'utilisation de ce jeu étrange qui a marqué l'histoire !
Dans la « Grande Encyclopédie du Tarot », de Stuart KAPLAN parue en 1978 il recense 250 jeux de tarot et 3200 arcanes illustrés. L'utilisation du Tarot peut se résumer à ceci : ouvrir une porte à l'aide des symboles représentés sur les cartes, pour accéder à un monde détaché de l'emprise du quotidien et de ses conditionnements.
Sans jamais le prouver, les membres de certaines sociétés 'philosophiques et philanthropiques organisées en obédiences' récitent en boucle les mêmes histoires depuis 3 siècles concernant l'origine et la propagation du Tarot. je vous en résume leur Doxa ci-dessous :
En Chine, un texte, mentionne que 32 tablettes d'histoire furent présentées à l'empereur vers 1120. Les unes étaient relatives au Ciel, d'autres à la Terre, certaines à l'Homme, le plus grand nombre des notions abstraites comme la chance ou les devoirs des sujets.
Le souverain les aurait fait reproduire puis ce jeu se serait répandu dans tout l'empire. Le jeu ne comptait en réalité que 30 cartes : trois séries de la flamme chacune des trois atouts, qui sont les cartes nommées respectivement « 1000 fois digne », « la fleur blanche » et « la fleur rouge ». Sur les cartes cosmiques étaient dessinées quatre marques rouges correspondants aux points cardinaux et sur les cartes humaines, 16 marques correspondant aux vertus : bienveillance, justice, ordre et sagesse. La somme des marques du jeu résume le nombre des étoiles. Le jeu était donc composé d'un microcosme ( l’Homme ), et d'un ensemble de symboles qui couvre l'univers ( macrocosme ).
Ce type de jeu se retrouve également dans les jeux indiens de l'époque Moghol, aux XV ème et XVI ème siècles, tout aussi symbolique, mais incluant la théologie, il comportait 120 cartes.
On mentionne à la fin du XVI ème siècle, soit 50 ans après l'apparition des jeux indiens, une trace en Perse d'un jeu similaire avec 144 cartes, comprenant 12 séries de 12 lames. Le jeu fut réduit ensuite à 96 cartes ayant 8 séries de 12 cartes. On admet aujourd'hui que ce jeu est une adaptation islamique d'un jeu indien de 120 cartes, divisé en 10 séries de 12 lames chacune, correspondant aux 10 incarnations ou avatars de Vishnou et illustrés de leurs symboles respectifs.
L'iconographie des cartes varie avec les centres de fabrication. Ce jeu est nommé DASARAVATARA et il est encore utilisé de nos jours en Inde.
Ce récit accepté par tous les membres de ces sociétés 'philosophiques et philanthropiques organisées en obédiences', est quand même étrange, car il faut nous souvenir que l'Islam interdit les jeux d'argent et de hasard ( et ce, aujourd'hui comme hier )!
En 1581 un édit d'Henri III classe les métiers en catégories afin d'en définir leurs niveaux d'impositions. L’édit de 1673, qui renouvelait les édits de 1581 et de 1597, ne changera pas beaucoup ces catégories. Le fabriquant de cartes de tarot ( métier très règlementé et lourdement taxé ) appartient aux métiers médiocres, en compagnie du musicien, du peintre, et du sculpteur.
En 1727 les choses changent, car dans une ordonnance municipale de Dijon, les métiers sont répartis en quatre classes.
- Première classe : les imprimeurs, libraires, chirurgiens, apothicaires, merciers, drapiers, orfèvres, quincailliers, cartiers, boutonniers.
- Deuxième classe : les métiers de l’alimentation (boulangers, bouchers, pâtissiers, charcutiers, cuisiniers, marchands de vin), les métiers de la sellerie et des peaux, les cordonniers, les tapissiers.
- Troisième classe : les métiers du métal et de l’ameublement.
- Quatrième classe : les ouvriers du bâtiment, les savetiers, les ouvriers travaillant à façon ( drapiers, ouvriers agricoles, etc ).
Il semble donc qu'à cette époque le métier de Cartier était devenu prestigieux !
Le tarot de Jean-Pierre Payen édité en 1713 à Avignon est connu pour être l'un des plus anciens tarots. D'une manière générale, au début du XVIII ème siècle les tarots étaient fabriqués à Avignon, Marseille Lyon et Dijon. Le tarot de Dodal vient de Lyon, resté célèbre car il serait le deuxième plus ancien tarot de Marseille connu fabriqué à Lyon par Jean Dodal. Ces deux tarots présentent de grandes similitudes que l'on ne retrouvera pas dans la version du jeu d'aujourd'hui.
Le tarot de Pierre Madenié est le plus ancien exemplaire connu qui inspira aussi les cartiers Nicolas Conver, Grimaud et Camoin, devenant l'outil préféré des occultistes. C'est le plus ancien tarot de Marseille connu et daté fabriqué à Lyon. On peut considérer que l'auteur du tarot de Marseille est sans doute un cartier Français du temps du règne de Louis XIV ( les plus anciens jeux de ce modèle connu sont de cette période ) . Vers 1450 Fernando de la Torre citait des cartes nommées "naîpes" pour prescrire la bonne aventure, beaucoup y voient les prémices de la cartomancie. Un tableau de Lucas de Leyde intitulé "la tireuse de cartes" daté de 1508 prouve que le procédé existait déja.
Pendant tout le XIX ème siècle ( âge d'or de l'ésotérisme ), le tarot ne servira pas que la cartomancie, en effet, les occultistes vont s'en emparer le transformant en livre sacré détenteur d'une vérité secrète débouchant sur des pratiques divinatoires.
En 1997, Alejandro Jodorowsky créa un jeu d'ordinateur à partir de tarots anciens.
Le tarot deviendra un outil de développement personnel. Il existe six cents ouvrages répertoriés par la bibliothèque nationale traitants des Tarots et de leur emploi pour la Divination.
Chaque pratiquant sait qu'elle peut vivre des expériences intéressantes sans obligatoirement passer par une initiation élaboréee ou un occultisme délirant. A ce jour, nul maître n'a enseigné un savoir académique à ce jeu passionnant qui a d'une certaine manière marqué l'histoire !